mardi 28 juin 2011

Into Eternity


         On continue notre sélection des meilleurs documentaires. En mars 2011, le monde entier a enfin découvert les risques du nucléaire, suite à l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima. Mai 2011, sortait Into Eternity, un documentaire sur le traitement des déchets radioactifs, sujet sensible et plus que d’actualité.

            Futurs trafiquants de déchets radioactifs, préparez-vous, le plus grand supermarché du nucléaire ouvrira ses portes à l’orée de l’année 2100. Daniel Madsen, le réalisateur danois, s’est intéressé à Onkalo, un sanctuaire actuellement en travaux en Finlande et qui se propose d’accueillir de 2012 à 2100 les déchets nucléaires de la planète et de les laisser enfouis pour 100 000 ans (la durée moyenne pour que toutes traces de radioactivité disparaissent).

            Si l’on peine un peu à rentrer définitivement dans ce documentaire, les vingt premières minutes sont à base de :
-       check 1 : le nucléaire est dangereux pour l’homme, OK
-       check 2 : il est aussi dangereux pour la planète, OK
-       check 3 : on ne s’est pas comment le traiter, OK,
sauf pour ceux qui n’y connaissent rien, ils passeront peut-être un meilleur moment. La suite contient une réelle force interrogatrice sur l’avenir du nucléaire et le projet Onkalo à travers le temps.

(Projet de signalisation aux générations futures de la dangerosité du site d'Onkalo) 
            Présenté sous la forme d’un documentaire de science-fiction pour les générations futurs, le film nous propose des plans séquences de la caverne absolument magnifiques et des interviews qui au début un peu apathiques, posent par la suite les bonnes questions et laissent place à de surprenantes réponses. La dernière demi-heure est d'un ennui sans fin, soutenue par une musique lancinante.


            Si la réflexion profonde de l'auteur sur ce site amène à se poser intrinsèquement des interrogations utiles, on regrettera le côté un peu malhonnête du réalisateur, par l’utilisation de l’anglais qui a mis certains de ses interlocuteurs dans l’embarras, dû à un anglais limité et le fait qu'Onkalo soit seulement un projet, pris par l’auteur comme abouti, alors que celui-ci est toujours en discussion en Finlande.



Vincent L.


Women are Heroes

            Alors que tout le monde s’attendait à découvrir dans Faites le mur, le street art, son univers, ses motivations et surtout Bansky, nous fûmes tous surpris par la tournure de son documentaire. Pour sa critique je vous renvoie à l’excellent article de notre ami Diego.

            En janvier 2011 est sorti le documentaire Women are Heroes de JR. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il est l’auteur du projet Portrait d’une génération, œuvre qui était à l’origine illégale et affichait ses portraits 28 millimètres « de mecs de banlieues », dans la rue, sa galerie à ciel ouvert, pour promouvoir l’art dans la rue.

(JR)
            Son documentaire n’a pour but originel que de présenter les femmes, comme des héros, à travers leurs conditions, difficiles, au milieu de guerres, massacres, ou tout simplement, des difficultés qu'elles connaissent dans le tiers monde. De l’Asie à l’Amérique du Sud en passant par l’Afrique, JR s’arrête et donne enfin la parole à ses portraits aux destins hors-normes, sans tomber dans la suffisance. 

            C'est un un documentaire d’une qualité exceptionnelle, une photographie absolument magnifique et des plans à couper le souffle. Un voyage aux cœurs des oubliés, des rencontres touchantes, pleines de sens et qui permettent à JR d’expliquer sa démarche, la photographie et son art. Le tout accompagné d’une bande son envoûtante.

            Le but originel n’est pourtant pas totalement atteint. Alors que Banksy jouait de l’ironie pour dépeindre son art, JR prend peu à peu le pas sur les femmes et laisse vite  place à une auto-promotion. Regrettable. 




Merci à César de m'avoir conseillé ce documentaire

Vincent L.





vidéo globale de l'oeuvre de JR:

lundi 27 juin 2011

Défense Bancale

            Brad Furman tentait un pari peu audacieux pour son deuxième film, The Lincoln Lawyer (2011), une adaptation du roman éponyme de Michael Connelly, un best-seller. Le succès devait être au rendez-vous. Les critiques sont bonnes, dithyrambiques, parfois.

            On s’attarde sur le retour (en grâce ?) de  Matthew McConaughey, qui ne fait plus uniquement figure de playboy abonné aux navets. Matthew est aussi un comédien, bon qui plus est. On aimerait s’en réjouir. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de le voir à nouveau endosser le rôle d’un avocat, rôle qu’il avait joué à la perfection, il y a 15 ans de cela, dans A Time To Kill (1996). Un rôle qui l’avait fait connaître et qui l’avait couronné d’un award. C’est d’ailleurs en cela que naît le premier problème de The Lincoln Lawyer, cette inévitable comparaison avec cette première adaptation. Le sujet n’est pas le même évidemment, mais il y a néanmoins de fortes ressemblances, sauf que le premier en date fut excellent, le deuxième l’est beaucoup moins, la différence de qualité est sans équivoque.
           
            L’intrigue aurait pu être palpitante. Mickey Haller (Matthew McConaughey) est un avocat doué, dont les méthodes sont parfois à la limite de l’illégalité. Mais une chose ne peut lui être reprochée, il aime son métier et défend ses clients, quoiqu’il arrive. Mickey se bat pour la justice. Habitué à défendre des dealers et autres petits malfrats, il obtient une affaire en or, celle d’un fils à Papa richissime, accusé de viols et qui clame son innocence avec une volonté d’aplomb. Comme à son habitude, Mickey va défendre son client. Et cela, même s’il n’est pas convaincu de son innocence.

            Le problème du film réside surtout dans sa construction. A croire que le réalisateur a voulu s’inspirer grandement de la méthode du romancier qu’il adapte, ne pas avoir de plan, ni de patron. Et bien, il n’aurait clairement pas dû, car il est difficile d’aborder un sujet aussi minutieux, détaillé et complexe que le droit et la justice en général, en étant aussi laxiste et aussi peu regardant sur toutes les règles déontologiques qui la composent. The Lincoln Lawyer n’aborde pas la justice, il la saborde.

C’est là toute la différence avec A Time To Kill, qui évite de se lancer dans le droit à proprement parler et se contente d’aborder l’aspect humain et philosophique de la vengeance et de la peine de mort. La thèse était discutable mais là, avec The Lincoln Lawyer, il n’a même plus de quoi discuter. Les avocats américains ou français ne s’y tromperont pas, on les fait passer pour véreux, parfois, et pour des cons, surtout. En entrant dans le détail des procès, le film ne fait que s’enliser inextricablement dans les abysses d’une institution dont il méconnait tous les rouages, les codes, les règles. Ce n’était peut-être pas l’objet du film à l’origine, mais cela en discrédite tout son contenu. Si seulement l’aspect déontologique du secret professionnel avait été plus approfondi, on aurait peut-être pu émettre l’idée d’un bon film, mais il n’en est vraiment rien. Le réalisateur fait figure de peintre qui s’emmêle les pinceaux. Et le spectateur pâtira grandement du manque de cohérence.

Ironie du sort, l’histoire ressemble fortement, du moins dans l’idée de départ, à une affaire récente, et à en croire le film, Madame Diallo n’a qu’à bien se tenir.

Bref, un film divertissant, mais surtout bancal dans sa démonstration et sa conclusion. On espérait un bon film, c’était déjà trop demandé.

            Diego C.

vendredi 24 juin 2011

Armadillo et Restrepo

         Une fois n’est pas coutume, l'année 2010/2011 fut riche en documentaires. L’actualité fut bien évidement au cœur de ces films. On vous propose pendant une semaine de découvrir les documentaires marquants de l’année écoulée.

Le Festival de Cannes et de Sundance ne s’y sont pas trompés, respectivement Grand Prix de la semaine international de la critique et Grand prix du jury, Armadillo et Restrepo ne sont pas n’importe quels documentaires. Ils ont été tournés en Afghanistan.
Alors que les Etats-Unis et la France avancent doucement vers un retrait de leurs troupes, ces deux documentaires ont suivi durant presque un an, les militaires américains et danois au cœur du bourbier afghan.

Le plus médiatique, Armadillo, suit les militaires danois Mads et Daniel et leurs amis dans leur camp retranché d’Armadillo. Espoustouflant, on avait pas vu ça depuis Full Metal Jacket. La musique y joue un rôle prépondérant, en permettant de boucher l’inertie de certains passages et traduisant ce que l’image n’a pas réussit. Il fit aussi terriblement polémique au Danemark. Sans le vouloir, son réalisateur Janus Metz, amène à se demander où s'arrête la limite entre un acte de guerre et un acte de barbarie.


Le deuxième suit les militaires américains dans leur camp retranché de Restrepo. Dès le début du documentaire, le ton est donné, puisque Restrepo n’est autre que le nom du premier soldat mort de la compagnie que l’on suit. Tim Hetherington et Sebastien Junger nous plonge au sein de la vie d’un simple soldat, en Afghanistan. Sebastien Junger est un journaliste indépendant émérite, écrivain à ses heures, il a notamment écrit En pleine tempête, livre qui inspira le film du même nom. Malheureusement, Tim Hetherington ne continuera pas son formidable travail de photographe (Prix World Press 2007), il est mort à Misrata (Lybie), le 20 avril 2011, en faisant son métier.

(Sebastien Junger et Tim Hetherington)

Amateurs de films d’actions et de sensationnalisme, ne vous attendez pas à voir des héros courant, sautant, mitraillant ou grenaillant à chaque coin de montagnes. L’ennemi est fantomatique, les combats, d’une rare violence et d’une exceptionnelle intensité, suffisent à traduire l’ambiance qui entoure ces militaires. Ils nous montrent toutes les difficultés de la vie d’un soldat, dans et en dehors des combats, l’adaptabilité au terrain et les mentalités que tout oppose. Ces militaires sont, ici, acteurs de leur propre vie et les balles sont bien réelles.

(Photo de Tim Hetherington, Prix World Press 2007)
            La force de ces deux documentaires est de ne pas tomber dans la critique du commandement. Si on se posera beaucoup de questions, aucune réponse ne viendra. La réalité, froide et limpide, voilà ce qu’ils nous apportent.

           
 Vincent L.







jeudi 23 juin 2011

Pour les grands et les petits

Il est souvent très facile de parodier un film, un genre, un style. Il est encore plus facile de le faire quand autant de films relativement mauvais pullulent sur grand écran. Encore faut-il que la parodie soit bien jouée, subtile serait un plus, tout en informant le spectateur sur l’objet qu’il parodie.

Les parodies des films de mafia sont peu nombreuses mais Bugsy Malone (1976) est assurément l’une des références en la matière. Pour son premier film,  Alan Parker visa présomptueusement haut. Salir l’univers américain de la mafia du temps de la prohibition et celui du cabaret de la même époque, n’était pas chose facile. Surtout, lorsqu’on saborde les plus grands films du genre, Le(s) Parrain(s), en tête de liste.

Le véritable pari d’Alan ne se situe pas seulement dans la reprise identique des codes qui font la magie de l’univers mafieux américain. Les décors et règles vestimentaires sont identiques à ceux du Parrain et autres consorts, c’est une chose. Mais le véritable pari d’Alan se situe plus dans l’interprétation des personnages. Aucun personnage n’est caricatural à proprement parler. Tous les comédiens sont mêmes brillants. Pourtant, un détail marquant éclatera dès les premières secondes du film, le pari d’Alan Parker, celui de faire de l’univers machiste et adulte du cinéma mafieux, un film pour enfant, joué, exclusivement, par des enfants.

Certes, ce cran n’estompera pas les quelques longueurs du film et il ne faudra conférer à cette œuvre, une fois visionnée, qu’une seule véritable qualité, divertir. Mais pour un premier film, une chose est sûre, il est audacieux.


Diego C.

vendredi 3 juin 2011

L'Amour, au-delà de tout

La Corée du sud est souvent plus connue pour ses gadgets et ses technologies à tout-va que pour son cinéma. Pourtant, le cinéma coréen est l’un des plus dynamiques, des plus crus et des plus brutaux qu’il est donné de voir. Le cinéma coréen est méconnu mais les connaisseurs ne s’y tromperont pas. En Corée du sud, les réalisateurs ne sont pas aussi médiatiques que leurs homologues américains mais assurément du même calibre. Le paradoxe de cette richesse est qu’il tient davantage dans une poignée de main. Les réalisateurs coréens connus ne sont pas nombreux mais une chose est sûre, ils n’ont rien à envier à quiconque. Et les locaux ne s’y trompent pas, le cinéma coréen réunit chaque année en son territoire plus d’entrées que leurs concurrents blockbusters américains. Rares sont les pays où les films locaux résistent encore à l’hégémonie américaine. Mais à s’y pencher de plus près, cela n’a véritablement rien d’étonnant.

Je m’attarderai sur un film, le dernier en date que j’ai eu la chance de regarder. Beaucoup d’échos m’avaient été contés mais jamais l’occasion ne s’était présentée de connaître enfin cet opus. Pourtant, Dieu sait que son réalisateur m’avait déjà subjugué.

Mother, réalisé en 2009 par Bong Joon-ho (dont le talent en avait déjà interloqué plus d’un avec Barking Dogs Never Bite -2000- ou Memories of Murder-2003, qui tous deux mériteraient autant d’attention que Mother) est tout simplement un film d’exception. Interprété par le célèbre acteur et mannequin Won Bin, adulé par nos amis asiatiques et Kim Hye-ja, dont les sorties médiatiques sont aussi rares qu’éblouissantes, Mother est un drame poignant.
Yo Do-Joon souffre de déficience mentale. A maintenant 28 ans, il n’occupe aucun emploi et vit toujours auprès de sa mère qui se bat éperdument pour le tirer des affaires dans lesquelles il s’engouffre. En proie à des différends avec son entourage et la police, Yo Do-Joon va finalement être inculpé d’un meurtre d’une jeune étudiante. Sa mère va tout faire pour l’innocenter.
            Mother est à la fois un drame palpitant qui se distingue par son cynisme noir. Il est l’histoire d’un sentiment maternel jusqu’au-boutiste où l’amour va peu à peu prendre le dessus sur la morale. D’une ambigüité troublante et d’un dénouement à la « Usual Suspect », le film est aussi une critique édifiante (parce que sournoise et fine) du système judiciaire coréen. Alimenté de scènes superbes sur le plan esthétique, Mother est à l’image de son réalisateur et du cinéma coréen en général, talentueux…

Diego C.