lundi 17 janvier 2011

Mes Hommages Monsieur McQueen


« Ma palette n’est pas très large, il y a beaucoup de choses que je ne peux pas jouer ».

Vous aviez sans doute raison monsieur McQueen. Celle-ci a pourtant suffit à vous porter dans la plus haute sphère de mon estime personnelle et à devenir l’un des mythes les plus fougueux et turbulents d’un univers hollywoodien que vous honnissiez par ailleurs. Vous n’avez eu besoin pour cela que de deux choses, deux qualités dont votre palette a regorgé et qu’elle n’a cessées de répéter au fil de vos rôles. Deux vertus cruciales qui vous rangeront à jamais dans le panthéon des acteurs les plus prolifiques, les plus talentueux et subjuguant du cinéma : l’authenticité et la passion. Car rares sont les acteurs qui consacrent à leur métier un tel dévouement frénétique.

Parce que vous étiez passionné, vous ne vous êtes pas contenté de jouer des personnages, vous les avez vécus. Parce que vous étiez exalté, vous ne vouliez pas vous complaire dans un cinéma superficiel, chiadé et illusoire, vous avez décidé de donner vie à vos personnages, de les rendre authentiques.

Parce que votre seule formation à ce métier n’a été que la délinquance, vous vous distinguiez de vos compères par votre envie, votre désir insatiable de vous transcender et votre « jusqu’au boutisme ». Vous n’aviez peur de rien. Vous avez influé à vos personnages une vitalité jusqu’alors inégalée. J’ai lu, il y a peu, que la marque de vodka Absolut vous avez décerné le titre de « mâle absolu », je ne peux que les rejoindre mais je vous aurai davantage décerné le titre d’ « authentique». Car jamais Monsieur McQueen, je ne vous ai vu tricher.

Vous n’étiez pas seulement un homme de talent, vous étiez surtout un homme de cran. Vous aviez un besoin invariable de prouver et faire valoir ce dont vous étiez capable et vous m’avez subjugué. Vous aimiez le risque et le danger et votre vie n’en a été que plus palpitante. C’était votre façon de vivre, elle est devenue votre façon de jouer. Vous avez joué le rôle du Capitaine américain Virgil Hilts, dans la Grande Evasion (1963) et avez réalisé l’une des cascades les plus spectaculaires et les plus célèbres de l’histoire du film d’action, au guidon de votre Triumph 650. Evasion que vous aviez vous-même suggéré au réalisateur. De là, vous vous êtes évadé vers les plus hautes sphères du cinéma pour ne jamais en redescendre.

Puis vous avez joué la première course poursuite du cinéma contemporain dans Bullit (1962) dans le rôle du détective Franck Bullit. Là encore, il n’était pas question que quelqu’un le fasse à votre place. Vous l’avez donc fait seul. Vous y avez consacré trois semaines de tournage, pendant lesquelles vous avez parcouru les rues de San Francisco à plus de deux cent km/h. Vous auriez dû y trouver la mort lorsque, pendant une prise, les freins de votre Ford Mustang ont lâché, mais vous avez fait preuve d’audace et y avait survécu. Beaucoup s’en seraient arrêtés là. Vous avez continué en tournant vous-même une autre scène mythique de ce film culte, toujours dans votre Ford Mustang, sur les pistes de l’aéroport de San Francisco. Vous rouliez à 180 km/h sous un avion prêt à décoller. Vous justifiiez vos prises de risques par souci d’authenticité et de réalisme. Le film est un chef d’œuvre auprès des cinéphiles mais ne fut pas du goût de tous, surtout de vos assurances et de la Warner qui résilièrent vos contrats. Qu’importe, vous étiez déjà l’un des plus grands.

Vous poursuiviez donc cette voie avec Le Mans (1970), dans lequel vous interprétiez le rôle de Michael Delanay, coureur automobiliste, sorti d’un grave accident et qui retournait, tambour battant, sur les pistes de sa passion. Vous ne frôliez que deux fois la mort lors du tournage. Ce film devait faire de vous un culte du cinéma, il n’en fut rien. La faute aux assurances qui ne vous laissèrent pas courir les 24 heures du Mans. Vous le fîtes tout de même de votre côté, en solitaire. Cela évitait tout « bâtons dans les roues » comme vous vous amusiez à le dire.

Et votre soif insatiable du danger continua de prendre le meilleur sur votre souci pour la vie. Vous avez continué dans Junior Booner (1972), ce rodéoman mélancolique parcourant les Etats-Unis dans une quête désespérée pour l’humanisme. Vous n’étiez plus en voiture mais sur un taureau et le rodéo n’eût alors plus aucun mystère pour vous. Votre palette n’en fut que plus complète. Vous n’étiez plus seulement l’un des acteurs le mieux payé au monde, vous en étiez l’incarnation la plus réussie et la plus aboutie.

Mais il vous manquez quelque chose Monsieur McQueen, quelque chose qui ferait de vous, non seulement l’acteur le plus emblématique de l’univers cinématographique, mais surtout, son incarnation la plus réussie. Et vous l’avez fait, Papillon (1973). Vous ne pouviez plus vous contenter « seulement » de prendre des risques inconsidérés. Il vous fallait aller encore plus loin, là où personne n’avait osé. Il vous fallait une histoire vraie et pour cela vous avez endossé le rôle d’Henri Charrière alias Papillon, innocent condamné au bagne de Cayenne, le plus inhumain et le plus brutal pénitencier que la France n’eût jamais inventé. Vous avez perdu 35 kilos pour ressembler à l’homme qui avait vécu ces supplices et auquel vous vouliez rendre un brillant hommage. Vous vous êtes fait vomir, vous avez cessé de vous nourrir. Le réalisateur a même arrêté le tournage de peur vous y périssiez. Vous étiez suivi quotidiennement par trois médecins. On ne voulait plus vous faire tourner. Mais vous avez insisté et êtes même allé plus loin encore, repoussant les limites que votre corps vous astreignait. Vous vous êtes empêché de dormir plus de trois heures par jour, vous vous êtes enfermés dans le noir, tous les jours, des heures durant, jusqu’à en devenir fou et à être aveuglé par la lumière du jour.

Vous ne jouiez plus le rôle d’un forçat, vous en étiez devenu un à part entière. Vous n’étiez plus un acteur, vous étiez « l’acteur ». Vous ne vous contentiez plus de porter le cinéma au rang de septième art, vous le sublimiez. Et, depuis que je vous ai vu à l’écran, j’aime le cinéma.


Diego C.



1 commentaire:

  1. Magnifique article à la mémoire d'un type hors du commun... qui a presque réalisé la cascade célèbre où le roi du frigo saute les barbelés sur sa Triumph. C'est un de ses amis marchand de motos qui l'a réalisée, le plan étant juxtaposé à un autre où on voit Steve sur la moto. En tout cas quel homme !

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