dimanche 3 juillet 2011

Omar m'a bluffer

                Pour son deuxième film derrière la caméra, le talentueux Roschdy Zem s’attaquait à un sujet aussi délicat que médiatique, l’Affaire retentissante d’Omar Raddad. S’inspirant intégralement du fait divers qui secoua l’univers juridique  et médiatique du début des années 90, Omar m’a tuer ravive les prises de positions en faveur d’Omar, inculpé du meurtre de son employée, Madame Ghislaine Marchal, et condamné à 18 ans de réclusion en 1991, puis gracié, 7 ans plus tard. Au-delà de toutes considérations quant à la thèse avérée du film, qui clame l’innocence d’Omar Raddad, on alterne bon et moins bon.
                Encore que le moins bon reste limité. L’écueil était pourtant de taille, faire du personnage d’Omar Raddad, la figure de proue de l’innocence brimée par une justice sans cœur, défendant, corps et âmes, les riches au détriment des pauvres maghrébins opprimés ; faire de l’affaire d’Omar Raddad, un procès raciste alors qu’il reste, avant tout et surtout, un procès, on ne peut plus bâclé. La première image du film, une image d’archive, montrant l’avocat d’Omar, à l’époque, Maitre Vergès, à la sortie du verdict de 1991, laissait supposer le pire :
« Il y a cent ans, on condamnait un officier car il avait le tort d'être juif, aujourd'hui on condamne un jardinier car il a le tort d'être maghrébin. »
                Une citation comme aime les marteler le maître de la théâtralisation, le défenseur invétéré et inconditionnel des causes perdues, tant qu’elles demeurent super-médiatiques. On s’imaginait le décor planté, Dreyfus 2 le remake, 110 ans plus tard. On est agréablement surpris. Roschdy Zem s’extirpe de ce paradigme et écarte toute accusation raciste pour ne s’attarder que sur les aberrations du procès, nombreuses, et la personnalité d’Omar, candide et introvertie. Et c’est justement là que le film pêche.

                En soi l’idée était bonne. Jongler entre deux histoires indépendantes et étroitement reliées. L’une suivant l’écrivain Jean-Marie Rouart (alias Pierre-Emmanuel Vaugrenard dans le film, interprété par Denis Podalydès) qui poursuit inlassablement la quête de la vérité et fait ressurgir toutes les zones d’ombres du procès, les zones non-explorées et néanmoins tellement cruciales. L’autre se préoccupant du personnage d’Omar Raddad (interprété par Sami Bouajila), de sa personnalité, et de son état psychologique au fur et à mesure du procès et de ses années passées en prison.
 Le problème est qu’Omar m’a tuer ne parvient pas à jongler correctement entre les deux. Ou plutôt privilégie l’un au détriment de l’autre, alors que les deux sont étroitement corrélés. Le film n’approfondit pas suffisamment les incohérences juridiques du procès, il ne fait que les suggérer, les mentionner, en coup de vent, par moment. Elles sont pourtant la clé de toute cette affaire, l’origine de cette effervescence médiatique.  Les scènes du procès, qui se tint à l’époque, manquent véritablement, et les brèves dites scènes, pâtissent cruellement de tonique, de fond surtout. Les pièces à conviction détruites, les procédures bâclées de l’enquête sont abordées sans être étayées. On  entre alors dans le moins bon du film qui dénonce l’erreur judiciaire, sans la mettre suffisamment en exergue, comme s’il ne faisait aucun doute qu’Omar était innocent, depuis le début.
Mais le film s’élève à travers le personnage d’Omar, magistralement interprété par Sami Bouajila. Un rôle de composition qu’il exerce à merveille, dans les moindres détails. Un rôle quasi-mutique, parsemé de français vacillant. Un personnage qui suscite l’émotion, touchant par l’impuissance qui l’enveloppe, un personnage démuni face à un procès dont il peine encore à comprendre les chefs d’accusation qui lui sont reprochés. Un personnage meurtri, détruit par sept années de prison, mais persévérant, clamant, à cor et à cri, encore et toujours, son innocence. Un rôle dont le film puise sa force durant toute l’histoire. Là, vient alors le très très bon.
Omar m’a tuer réhabilite la réalité et la nourrit encore davantage. Car si Omar Raddad est aujourd’hui en liberté, il se bat toujours pour que la justice reconnaisse sa non-culpabilité. Un combat qu’il mène depuis 20 ans maintenant, et dont on peine encore à percevoir le générique de fin. Une affaire qui n’a pas fini de faire jaser. Roschdy Zem, lui, prend de l’ampleur en tant que réalisateur, pour un deuxième film pas facile. Quant à Sami Bouajila, ne pas le nominer dans une catégorie prestigieuse à la prochaine cérémonie des césars serait, pour le coup, lui faire très mauvais procès, à n’en pas douter.
Diego C.


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