jeudi 7 juillet 2011

Pater : Entre Fiction & Réalité

Difficile d’être mesuré quand il s’agit du dernier film d’Alain Cavalier. A en voir certaines mines interloquées, déconfites à la sortie du ciné, ou d’autres exaltées, il devient dès lors difficile de se prononcer, objectivement.

Les sentiments sont plus que partagés. Il faut reconnaître que rares sont les films suscitant des avis si mitigés. Car Pater est un film sans en être un. Il est une fiction, empreinte de réalité, ou peut-être l’inverse, une réalité teintée de fiction. Oscillant entre film et documentaire, fiction et réalité, autodérision et sincérité, Pater s’inscrit dans la ligne directe de films comme le Bal des actrices (2007) ou La vie au ranch (2009), pour ne citer qu’eux. Il est un ensemble de saynètes de la vie quotidienne, un mentir-vrai à la Aragon. Difficile dès lors d’y établir un synopsis. Pater est-il une fiction entre un président et son premier ministre, ou un délire entre deux amis, entre un réalisateur et un acteur ? Probablement tout cela à la fois, si bien qu’il n’est finalement ni l’un, ni l’autre.

Cavalier, président de la République française nomme son nouveau premier ministre, Vincent Lindon, chef d’entreprise qui a fait de la lutte contre les inégalités sa priorité. Il dirige son entreprise brillamment. C’est ce qui plaît à Alain qui le nomme, le forme et le prend sous son aile, tel un père avec son fils, un maître avec son disciple, un réalisateur avec son acteur, pour qu’il prenne, peut-être un jour, sa place, qui sait.

De là naît la complexité du film d’Alain Cavalier. Car Pater est un film dans le film, Vincent est à la fois Vincent Lindon, acteur connu et reconnu, engagé aussi, et Vincent, chef d’entreprise d’une cinquantaine d’années qui choie ses employés comme personne. Il est parfois difficile de cerner quel rôle joue Vincent. Est-il l’acteur ? Ou le chef d’entreprise ? Il oscille entre l’un et l’autre mais le spectateur ne s’y perd pas. Quoique, parfois, il lui est difficile de faire la part entre les deux. Car l’entrepreneur et l’acteur se ressemblent comme deux gouttes d'eau. La frontière entre l'entrepreneur, futur ministre et l'acteur est friable, surtout dans leur engagement politique. Lindon a su se faire entendre par le passé et n’hésite pas à l’arborer, ne serait-ce que dans le choix de ses films, La Belle Verte (1996), Ma petite entreprise (1999) et Welcome (2009) en première ligne. Il est comme ça Vincent, engagé. Alors pourquoi serait-il différent dans Pater, pourquoi ne pas être lui-même ? C’est aussi comme ça qu’on l’aime.

Et puis il y a Alain, le réalisateur, le Président de la République. Pour le coup, Alain semble être davantage Président que réalisateur, davantage un acteur. Probablement encore plus éblouissant que Vincent. Alain, ce président profond, sincère, drôle, à la voix suave, au ton solennel, au visage espiègle, jetant de subtiles regards, goguenards et complices, à sa caméra. Une finesse de jeu rare.

Et puis il y a le plus troublant, les dialogues. Vraisemblablement peu travaillés, peu approfondis, drôles, indigestes, crus, littéraires, futiles ou inutiles mais qui leur donnent cette teneur tellement naturelle, proche de l’authentique. On croirait à de la prétendue improvisation, alors que tout est finement écrit, réfléchi.

 Une sincérité filmée par des plans énigmatiques et des angles peu nombreux, mais si intimes.

Certes, le film s’essouffle peu à peu et se noie dans certaines longueurs. Mais que l’on puisse avoir la critique amère ou dithyrambique n’a finalement que peu d’importance dans le cas de Pater. Il est décevant peut-être, enthousiasmant surtout, mais assurément tellement différent. D'un nouveau genre, finalement.
Diego C.

A propos de Pater d'Alain Cavalier, avec Vincent Lindon et Alain Cavalier, sélection officielle du Festival de Cannes 2011

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