lundi 23 mai 2011

I'm not a Nazi

« Malaise », «  controverse » et autres noms communs ont alimenté les récents propos tenus par notre réalisateur danois Lars Von Triers. Des propos qui lui valurent l’exclusion immédiate et définitive du festival, du moins, pour cette année. Pour sa huitième apparition sur la croisette, notre habitué de la provocation est allé une once trop loin, pour tous. Et pour des propos aussi scandaleux, une sanction univoque et exemplaire, l’éviction ! Le motif invoqué par le grand jury, exceptionnellement mis en place pour traiter définitivement ce dossier danois épineux, l’interdiction de proférer des propos « inacceptables, intolérables, contraires aux idéaux d’humanité et de générosité qui président à l’existence même du Festival », selon le communiqué officiel du festival.

Du jamais vu sur la croisette ! De quoi alimenter spéculations, indignations et réactions à tout-va. De quoi nous rassurer quant à l’objectif même du festival de Cannes « présenter leurs œuvres et défendre la liberté d’expression et de création » (toujours selon le communiqué officiel).  On aimerait s’en réjouir.

En tout cas, pour notre provocateur danois, habitué à ses frasques narcissiques et supposées « borderline », c’est le strike. Le coup médiatique parfait. Une utilisation exemplaire, de ce qu’est et restera le festival de Cannes, de la publicité. Pour cela, il n’a joué que de quelques tours qui lui vaudront ni condamnation ou autre sanction judiciaire, tout simplement parce que les propos de Lars ne sont pas antisémites, si l’on s’en réfère à la définition même du mot. Donc, dire que l’on comprend Hitler, que l’on comprend l’homme dans un sens, même s’il n’est pas intrinsèquement bon, ce n’est pas antisémite et encore moins contraire aux idéaux d’humanité et de générosité qui président à l’existence d’un festival comme celui de Cannes.

(Lars Von Trier, photocall Cannes 2011)

On peut même aller plus loin dans la réflexion. En regardant la vidéo de plus près, on peut entendre Lars Von Triers dire « I sympathize with him (Hitler) a bit ». Traduction faite dans l’urgence du direct, agrémentée par de nombreux bégaiements, « Je sympathise avec lui, un petit peu ». Propos par la suite repris par tous les quotidiens et journaux français. Une traduction qui n’est que le reflet du niveau de langue de notre chère patrie, lamentable. Il aurait été judicieux de s’intéresser à la traduction des propos avant d’en relayer ses méfaits. Oui « Sympathize » est un mot qui existe en anglais. Mais jamais ce mot ne signifiera « sympathiser » ou alors on considère que Google traduction, c’est de l’anglais. Pourtant, dans n’importe quel dictionnaire anglais-français, seules deux traductions coexistent à ce mot. « Sympathize » signifie « avoir de la compassion » ou « s’apitoyer ». Et oui, la différence d’orthographe est négligeable mais la nuance est tellement édifiante. D’ailleurs, sympathiser n’est jamais énoncé comme synonyme de compatir ou de s’apitoyer. Tout simplement parce que sympathiser n’a absolument et catégoriquement pas le même sens que ces deux mots!

Qu’importe, pour le Conseil d’Administration du Festival, institution garante du « bien pensant », s’en est trop ! On vire le facho ! Tant pis pour les excuses tenues après coup par le réalisateur qui reconnaît sa bêtise, bien réelle. Un mea culpa qui fait pâle figure face aux attaques parfois accablantes de naïveté et de malhonnêteté de certains ses détracteurs. Tout le monde y va de son avis. Monsieur Mitterand, notre ministre de la culture et de la communication désigne les propos « d’inacceptables » et fait part de son « indignation », ce qui contraste fortement avec l’aphonie qui l’avait caractérisée récemment lorsque deux figures de la classe politique française, condamnés par la justice depuis, tinrent des propos bien plus sulfureux et véritablement antisémites. Venant du même parti que lui, il était de bon ton de se taire, alors.

Un Mitterrand qui ne constitue qu’une figure, parmi tant d’autres, à s’être exprimé sur ce sujet par des propos hargneux et dénigrants (généralement à l’origine des comportements qu’ils rejettent justement), arguant un antisémitisme mondial omniprésent alors qu’il n’est que bien réel, ce qui est déjà suffisamment difficile à bannir. Des personnalités qui, encore une fois, alors que cette histoire aurait pu en rester à des excuses plates mais nécessaires, n’ont eu pour mérite que  d’instrumentaliser l’antisémitisme plutôt que de le combattre véritablement.

En tout cas, Lars Von trier le savait pertinemment et, fidèle au désinvolte qu’il est, ne s’est pas privé de suggérer la pseudo-polémique pour que la France ne l’alimente davantage encore. Pas étonnant que Lars Von Triers se sente « fier d’avoir été déclaré persona non grata », un moyen supplémentaire d’alimenter son égo (en avait-il vraiment besoin ?). Bref mesdames, messieurs les stars, politiciens et tout ce beau monde de notre bling-bling quotidien, vous vous rendrez facilement compte, qu’au lieu d’atténuer les penchants communautaristes haineux, vous ne faites que les sustenter. En Générant la polémique sur des propos qui ne sont pas antisémites, vous ne faites que détournez le regard des gens sur ce que ce fléau est véritablement. De quoi être indignés (le mot est enfin utilisé à sa juste valeur). A croire que vous devriez malheureusement côtoyés des antisémites plus souvent pour comprendre qui ils sont réellement. Encore une fois, vous avez discrédité les vrais défenseurs des idéaux humanitaires.

A tout cela, une conclusion est aujourd’hui évidente, si l’humour n’est assurément pas danois, la culpabilité et la malhonnêteté, elles, sont bien françaises.

« Persécuteur et persécuté sont identiques. L'un s'abuse en ne croyant pas avoir sa part de souffrance; l'autre s'abuse en ne croyant pas participer à la culpabilité. », Arthur  Schopenhauer.



Diego C.


lien vidéo de la conférence de presse de Lars Van Trier:


http://player.canalplus.fr/#/467601

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