jeudi 24 mars 2011

Bienvenue à Hollywood !


Je ne sais pas ce qui m’a poussé à voir ce film. Peut-être son réalisateur. Peut-être le fait qu’il soit interdit en France. Peut-être parce qu’il a contribué à l’un des plus grands drames de l’histoire. Peut-être parce qu’à la même époque, Chaplin contre –attaquait avec le Dictateur.
Certes, l’enseignement qui m’a été dispensé jusqu’à présent et les événements qui suivirent la sortie du film, me permettent d’avoir le recul nécessaire pour ne pas y adhérer. Mieux, ils me permettent, aujourd’hui, d’en déceler les subtilités sournoises, les artifices insidieux et la logique chafouine qui s’y dissimulent. Mais je ne peux m’empêcher de penser qui si je n’avais pas été averti, j’aurai peut-être succombé aux mensonges que le film régurgite et les aurai approuvés voire même, défendus.

Parce que Goebbels a fait de la propagande un art, du cinéma une arme, et qu’il l’a fait avec les richesses dont il regorge, Jud Süß (Juif Suss en français, 1940) n’est pas seulement un fatras de calomnies abjectes, il est une œuvre. Une œuvre minutieusement ficelée, admirablement bien jouée et atrocement réfléchie. Jud Süß suggère plus qu’il ne dénonce, il insuffle plus qu’il n’accable.
Tout fut fait de manière perfide et le résultat en fut d’autant plus édifiant.
Jud Süß fut l’un des plus grands succès cinématographiques de l’Europe en termes d’affluence et il reste aujourd’hui le symbole même du pouvoir cinématographique. « Le mensonge cesse d’être mensonge dans l’instant où il réussit » disait Paul Nougé dans les lèvres nues. Goebbels et Hitler le savaient. Ils le savaient si bien que la somme dépensée pour ce film dépassa largement ce que le Hollywood de l’époque n’osait imaginer. Pour que le mensonge passe, il fallait sans donner les moyens.
A l’instar de Georges Duroy dans Bel-Ami, Süss Oppenheimer est un homme ambitieux, matérialiste, arrogant, jusqu’ « au boutiste », pervers, arriviste même. Mais Süss Oppenheimer est surtout juif. Par une multitude de subterfuges laudatifs, il va, peu à peu, s’attirer les grâces du duc de Stuttgart afin de mieux s’en servir pour corrompre la ravissante et pure société allemande.
Emblème de la propagande nazie, Jud Süß interpelle. Je ne demande pas à ce que vous vous y intéressiez ou le regardiez, libre à vous d’entreprendre cette démarche. Je vous interdis même d’y croire. Je vous demande simplement de comparer Jud Süß à ce que nous pouvons voir aujourd’hui.
Je vous demande de vous interroger parce que le dernier rapport de l’agence intergouvernementale Interpol sur le terrorisme laisse songeur. Dans la seule Europe, en 2009, seuls 0,003% des actes terroristes furent commis par des groupes islamistes. 0,003%, probablement autant que le nombre de juifs qui ressemblaient et ressemblent à Süss Oppenheimer.
Mais attention ! Parce que ce nombre d’attentats islamistes s’envolerait vertigineusement vers les 3%-4% (toujours selon l’agence), si l’on tient compte du monde, dans son ensemble.
A la connaissance de ces chiffres, une question m’est alors venue à l’esprit. Je me demandais pourquoi, depuis 2001, plus de 60% des films américains produits par Hollywood ne cessaient de rabâcher sans relâche le même stéréotype du terroriste moderne. Vous savez, celui avec une longue barbe grisâtre, portant une djellaba, et criant « Allah akbar ! » (Je passerai sous silence l’amalgame que ces films font, en plus, entre musulmans et arabes).
Je ne sais pas si je tiens aujourd’hui ma réponse mais je connais enfin la raison principale qui m’a poussée à regarder Jud Süß.
Probablement, parce qu’il incarne, ce que le cinéma peut être de plus vicieux, de plus manipulateur et de plus avilissant, si l’on sait s’en servir. Parce que le cinéma peut facilement choquer, fasciner, émerveiller, attrister, enchanter, émouvoir. Il peut surtout, tromper, manipuler et endoctriner.
Jud Süß est non seulement un film mensonger sur lequel repose tout un poids de notre histoire mais il surtout un témoignage probant de ce que le cinéma (et ceux qui le dirigent) est capable de faire et perpétue depuis toujours, mentir.

« Toute propagande efficace doit se limiter à des points fort peu nombreux et les faires valoir à coups de formules stéréotypées aussi longtemps qu'il le faudra, pour que le dernier des auditeurs soit à même de saisir l'idée.» Adolphe Hitelr, Mein Kampf (1925)

Diego C.

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